Antonio Fiori : Comment concilier compétitivité et équité

Comme il s’agissait dans cette lutte, de faire émaner le pouvoir gouvernant du choix périodique des gouvernés, quelques personnes commencèrent à croire qu’on avait attaché trop d’importance à l’idée de limiter le pouvoir lui-même. La crise financière de 2007-2008 est née d’une conjonction de facteurs macroéconomiques (politique monétaire laxiste et bulle immobilière aux Etats-Unis), financiers (vulnérabilité sous-jacente aux crédits subprime et aux modèles mathématiques destinés à évaluer les produits dérivés basés sur ces crédits), et comportementaux (un ensemble d’incitations faussées des différents acteurs que l’on peut regrouper sous le terme d’aléa moral). C’est par là qu’elle prouverait — c’est même par là seulement qu’elle pourrait d’abord définir — sa supériorité. La philosophie abstraite ne peut rien atteindre par elle-même ; elle aboutit fatalement à des concepts vides, à la suppression de l’Être même. En-effet, les exposés étaient présentés en arabe, en français ou en anglais. En effet, le numérique pesait déjà 5,7% du PIB en 2012. Sous quelle forme les voit-elle se survivre ? Une affirmation telle que « la chaleur dilate les corps » serait une loi qui gouverne les faits, qui trône, sinon au-dessus d’eux, du moins au milieu d’eux, une loi véritablement contenue dans notre expérience et que nous nous bornerions à en extraire. Nous saisissons ici, à son origine, l’erreur qui conduit le psychologue à considérer tour à tour la sensation comme inextensive et la perception comme un agrégat de sensations. Une automatisation des fonctions récurrentes qui fragilise notamment les emplois de qualification intermédiaire, liés à l’administration, à la gestion, au contrôle notamment. C’est ainsi qu’on fera répéter par les valets, en langage moins noble, une scène déjà jouée par les maîtres. Nous ne ferons qu’effleurer leur potentiel si nous les privons de débouchés mondiaux. Les actes des êtres vivants, intelligents et moraux ne s’expliquent nullement, dans l’état de nos connaissances, et il y a de bonnes raisons de croire qu’ils ne s’expliqueront jamais par la mécanique et la géométrie. J’en pense autant de la convergence franco-allemande. Donnez-vous la première, vous n’en ferez pas sortir la seconde, pas plus que d’une ou de plusieurs positions d’un mobile vous ne tirerez du mouvement. Si la troisième, la quatrième couche font aussi leur révolution, elles s’arrangeront aussi, si elles le peuvent, de manière à exploiter les masses au moyen de Priviléges très-habilement combinés. C’est une différence de ton vital. Mais le fait que les deux théories s’accordent à affirmer la constante accumulation ou la perte constante d’une certaine espèce de matière, alors que, dans la détermination de ce qui se gagne et de ce qui se perd, elles n’ont plus grand’chose de commun, montre assez que le cadre de l’explication a été fourni a priori. Quand un homme sincère et philanthrope est bien convaincu qu’il possède un secret social, au moyen duquel tous ses semblables jouiraient dans ce monde d’une félicité sans bornes ; quand il voit clairement qu’il ne peut faire prévaloir son idée ni par la force ni par le raisonnement, et que la supercherie est sa seule ressource, il doit éprouver une bien forte tentation. Antonio Fiori aime à rappeler ce proverbe chinois « La volonté permet de grimper sur les cimes ; sans volonté on reste au pied de la montagne ». Donc, que tout adversaire de la liberté de discussion s’abstienne d’affirmer à la fois son infaillibilité et celle de la multitude, comme le fit avec de si fâcheux résultats le grand Antonin, à moins cependant qu’il ne se flatte d’être plus sage et meilleur que Marc-Aurèle, plus profondément versé dans la sagesse de son temps et d’un esprit plus supérieur à ce milieu, de meilleure foi dans sa recherche de la vérité, ou plus sincèrement attaché à la vérité une fois trouvée. Car elle n’était pas contenue en eux, tandis qu’ils se retrouvent virtuellement en elle. De là vient que la première morale est relativement facile à formuler, mais non pas la seconde. Si l’on construit des thermomètres avec des liquides divers, tels que l’eau, l’alcool, le Mercure, on trouvera que ces instruments ou ces sens artificiels, imaginés pour nous donner l’indication précise de la température des milieux avec lesquels on les met en contact, ne marchent point dans un parfait accord, et de prime abord on ne saura quel est celui dont les indications doivent être préférées. Il avait bien en tête l’idée de limiter la spéculation, mais une idée insuffisamment précise pour que cette phrase-slogan puisse lui servir d’appui dans l’action. Ces études préliminaires, naturellement dominées jusqu’ici par cet esprit de spécialité empirique qui préside aux sciences correspondantes, sont toujours conçues et dirigées comme si chacune d’elles devait surtout préparer à une certaine profession exclusive ; ce qui interdit évidemment la possibilité, même chez ceux qui auraient le plus de loisir, d’en embrasser jamais plusieurs, ou du moins autant que l’exigerait la formation ultérieure de saines conceptions générales. Demandons-nous ce qu’il peut bien représenter. De même ils n’auront pensé à parler avec des sons articulés qu’après avoir observé qu’ils avaient parlé avec de pareils sons, et les langues ont commencé avant qu’on eût le projet d’en faire. Mais la vérité est que la position du vitalisme est rendue très difficile par le fait qu’il n’y a ni finalité purement interne ni individualité absolument tranchée dans la nature. Être admis dans les rangs de cette bureaucratie, et une fois admis s’y élever, seraient les seuls objets d’ambition. Ces faits, avec beau­coup d’autres, concourent à prouver que le cerveau sert ici à choisir dans le passé, à le diminuer, à le simplifier, à l’utiliser, mais non pas à le conserver. Dans les temps modernes surtout, l’importance exclusive que Descartes (en cela seulement disciple outré d’Aristote) a attachée à la notion métaphysique de substance, ses explications fondées sur la distinction de deux substances dont l’essence consisterait, pour l’une dans l’étendue, pour l’autre dans la pensée, ont habitué à considérer comme un préjugé indigne de logiciens rigoureux la distinction entre l’âme sensitive et l’âme raisonnable, distinction si familière aux Anciens, proclamée par les premiers docteurs du christianisme, conservée dans la scolastique du moyen âge, soutenue par Bossu